La Traversée
Rédigée par Manon Koken

La Traversée

De Florence Miailhe - 1h24 - 2020 (France)
La Traversée
à partir de 11 Ans

Synopsis

Contraints de fuir le village de leur enfance, Kyona et Adriel essayent d’échapper à leurs poursuivants, espérant une vie meilleure dans un autre pays. Pendant ce voyage rempli d’épreuves, les deux enfants grandissent, apprennent et rencontrent d’autres migrants. Et surtout, Kyona dessine chaque instant de cet exil.

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Traverser une route, une rivière, une frontière, un pays, une vie… Comme son titre l’indique, La Traversée est l’histoire d’un départ, d’un périple et d’un exil. Alors qu’ils se nourrissent des fruits d’un verger, Kyona et son frère Adriel voient leur village brûlé par des ennemis masqués, sans comprendre ce qu'il se passe. « Il leur fallait un ennemi à tout prix et l'ennemi c'était nous. » La violence crue des actes et des mots transforme alors l’enfance en fuite. Partant de Novi Varna, leurs pas sont guidés par l’espoir d’une vie meilleure à Arketa. 

Qu’est-ce que cela fait de fuir son pays ? De prendre la route et de ne plus la quitter ? De vivre l’exil sans connaissance du lendemain ? Les réalités migratoires contemporaines sont abordées dans un traitement intemporel, semblant tantôt évoquer des situations identifiées, tantôt des épisodes indéterminés, résonnant pourtant toujours avec notre actualité. Comme tant de migrants dans le monde, Kyona doit faire face à une voie pavée d’obstacles et seule la ténacité et les rencontres lui permettent de survivre à ce quotidien si éprouvant. La Traversée aborde dans toute leur diversité ces réalités : travail forcé, violences, esclavage, camps, maladie... Les apparences sont souvent trompeuses mais, dans le regard de Kyona, elles ne le restent pas bien longtemps. Alors le chemin reprend...

Avec des mots justes et poétiques, la voix off de la réalisatrice Florence Miailhe - qu’elle prête à son héroïne - guide ce chemin, devenant un fil conducteur entre passé et présent, enfance et âge adulte. Le lien intergénérationel est d’ailleurs au cœur du récit. La Traversée est ancré dans le souvenir, celui de Kyona mais aussi celui de la réalisatrice. Durant la Seconde Guerre mondiale, ses arrière-grands-parents juifs durent fuir Odessa. Les dessins de sa mère Mireille Miailhe ont également été une véritable source d’inspiration pour le film. La guerre, sa famille, des scènes de la vie quotidienne… Ces croquis ont permis de constituer le carnet de Kyona, véritable boîte à souvenirs du récit, dans lequel nous plongeons dès les premières images qui nous montrent un atelier, si similaire à celui de la réalisatrice. Il n’est alors pas étonnant de voir que c’est la peinture animée qu’a choisie cette dernière pour donner vie à son film. Ainsi, trois générations de femmes peignent le récit, entre fiction et réel : Mireille, Florence et Kyona. 

L’art n’est d’ailleurs jamais bien loin dans les rencontres que fait Kyona. La musique accompagne le récit et emplit ce quotidien, parfois si sombre, d’espoir, tout comme l’oiseau qui, maintes fois, se posera aux pieds de la jeune fille. C’est aussi le cirque qui fait irruption dans la vie de l’héroïne, et sa patronne, Madame, qui lui donne une belle leçon : « Rien n'est tout noir, rien n'est tout blanc. La vie c'est gris. » Adoptant la forme du conte et ne cessant jamais d’y faire référence, le film devient un récit initiatique. Kyona et Adriel sont tantôt deux petits Poucets cherchant refuge, tantôt un Hansel et une Gretel gavés par des parents adoptifs. C’est une double traversée : celle du pays et de l’enfance. « La fuite avait englouti notre enfance ». Cette année d’exode est celle de la fin de l’innocence. Pourtant, même dans les moments les plus sombres, l’émerveillement du début est encore présent dans le cœur de Kyona, grâce à la rencontre de certains personnages qui vont croiser son chemin.

Héroïne courageuse, téméraire et éprise de liberté, Kyona anime La Traversée, de son récit et de ses dessins, pour en faire une œuvre jouant du réel et de l’imaginaire, du quotidien et du rêve. 

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Une réalisatrice-artiste plasticienne
La réalisatrice de La Traversée, Florence Miailhe, a suivi un beau parcours. Élève à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD) à Paris, elle devient maquettiste pour la presse, réalise son premier court métrage (Hammam, 1991) et continue à pratiquer la gravure et la peinture. Elle utilise différentes techniques dans ses films comme la peinture, le pastel ou le sable. Son travail est particulièrement remarqué. Cette année, elle a reçu la mention du Jury au Festival international du film d’animation d’Annecy pour son premier long métrage La Traversée. Elle avait déjà reçu le César du meilleur court métrage (Au premier dimanche d’août, 2002) et la mention spéciale au Festival de Cannes pour Conte de quartier (2006). Elle te dit quelques mots de son film, par ici. Dans une autre interview, évoquant ses modèles, Florence Miailhe parle de la réalisatrice canadienne Caroline Leaf (The Street, Entre deux sœurs), le réalisateur français Jean-François Laguionie (Le Tableau, Louise en hiver, Le Voyage du Prince) et le cinéaste russe Youri Norstein (Le Conte des contes). 

Une inspiration personnelle et contemporaine
Le projet de La Traversée a longtemps mûri dans l’esprit de Florence Miailhe. D’un côté, il y a l’histoire de ses arrière-grands-parents fuyant Odessa au début du XXᶱ siècle, et celle de sa mère et son oncle qui gagnent la zone libre en 1940. De l’autre, les migrations toujours plus importantes, au fil des dernières années, l’ont convaincue de la nécessité de donner corps et voix à ces destins trop souvent tus. « J’ai vu se refléter dans le parcours des familles kurdes, syriennes, soudanaises, afghanes, celui de ma propre famille juive. Des gens poussés par la guerre, la faim, les persécutions, cherchant une meilleure terre où reconstruire leur existence et prêts pour cela à affronter tous les périls. » Au générique de La Traversée, on retrouve la photographie d’une jeune femme : la mère de Florence Miailhe. La réalisation du film a duré 3 ans. 

Une collaboration renouvelée
Pour écrire le scénario avec elle, Florence Miailhe s’est tournée vers l’auteure Marie Desplechin avec laquelle elle avait précédemment travaillé sur ses courts métrages Shéhérazade, Histoire du Prince borgne et Conte de quartier. Principalement publiée à L’école des loisirs pour ses romans jeunesse, elle est notamment connue pour Verte (1996) et Journal d’Aurore (2006), qui a été adapté au cinéma sous le titre Jamais contente (Emilie Deleuze, 2016).

Une technique originale : la peinture animée
La Traversée est le tout premier long métrage en peinture animée. Des plaques de verre peintes à la main sont superposées au-dessus du décor et placées sous la caméra. Après avoir peint un premier dessin, il faut le photographier. Une fois le cliché pris, il faut effacer (et non recouvrir) la partie du dessin qui doit bouger sur la photo suivante puis dessiner la nouvelle posture. Pour créer un mouvement continu, il faut mettre bout à bout 24 images par seconde. Florence Miailhe a créé les dessins de La Traversée à la peinture à l’huile car elle met plus de temps à sécher que la gouache. On peut donc l’effacer ou la modifier assez facilement. Tu peux retrouver cette technique dans le beau court métrage de Carol Freeman, L’Oiseau et la Baleine.

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Gebeka Films, le distributeur du film, a conçu un dossier de presse ainsi qu’une fiche-minute proposant des questionnements en lien avec le film. C’est par .

La Cimade, association de soutien aux migrants, réfugiés et déplacés, propose plusieurs outils de sensibilisation aux migrations à destination des enfants (accompagnés d’un adulte). Tu peux la retrouver par ici. Le vidéaste Usul a réalisé une vidéo, en partenariat avec Amnesty International, pour mieux comprendre ce qu’est un réfugié. Tu peux la voir par

Le Musée national de l’Histoire de l’immigration propose une sélection de livres à destination des enfants pour mieux appréhender le sujet de la migration. Si tu vis ou si tu passes à Paris, le musée propose régulièrement des expositions intéressantes et accessibles au jeune public. 

 

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Les bonnes raisons de voir le film

  • 1 Pour aller à la rencontre de la courageuse et téméraire Kyona
  • 2 Pour mieux comprendre les difficultés rencontrées par les migrants lors de leur exil
  • 3 Pour le magnifique travail de peinture animée de la réalisatrice Florence Miailhe
  • 4 Pour découvrir que « Rien n'est tout noir, rien n'est tout blanc. La vie c'est gris. »

Pour quel public ?

La Traversée est le récit, à la fois fictif et particulièrement réaliste, d’un exil. Refusant de fermer les yeux sur la dureté du parcours de Kyona et de son frère, le film montre chacune de leurs épreuves : l’exil, la mort, l’esclavage… Certaines scènes peuvent s'avérer choquantes, mais la technique de la peinture animée et la forme du conte permettent d'instaurer une certaine distance. Nous conseillons toutefois ce film à partir de 11/12 ans, de préférence avec un accompagnement des parents qui pourront répondre aux différentes questions des plus jeunes. 

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